ARTHUR ET LE ROI VERBE 30 Nov. -0001

ARTHUR ET LE ROI VERBE

De Gianmarco Toto

THÉÂTRE JEUNESSE

 

Toute reproduction ou représentation sans l’accord de l’auteur interdite. Cette œuvre est inscrite auprès de la S.A.C.D (Paris)

 

PERSONNAGES

Arthur

(Garçon grognon et peu loquace)

Chloé

(Amie d’Arthur)

Mange-mots

(Étrange personnage qui prive les personnes de leurs mots)

Les grands-mères grammaire

(Trois vieilles dames très lettrées)

Lady Spider

(L’araignée au plafond d’Arthur)

Le Roi Verbe

(Le seigneur du monde éloquent)

La maman d’Arthur

Le papa d’Arthur

La maîtresse d’école

Des camarades de classes

Des adverbes, des adjectifs, etc. (Les sujets du Roi Verbe)

L’action se situe tour à tour chez Arthur, dans sa classe, dans la cour de récréation et dans le

royaume éloquent.

 

Tableau 1

Arthur est assis au centre de sa chambre. Il boude en fixant le plafond. Sa mère apparaît.

 

La mère

– Arthur, veux-tu bien ranger ta chambre au lieu de rester planté comme ça, le nez au plafond ?

 

Arthur

– Non. Je refuse de ranger ma chambre tant qu’on n’aura pas enlevé cette araignée de mon plafond.

 

La mère

– Tu ne vas pas faire toute une histoire pour une si petite araignée. Allez ! Veux-tu bien mettre de l’ordre dans tes affaires ?

 

Arthur

– Je n’ai pas le temps, j’ai autre chose à faire.

 

La mère

– Et qu’as-tu donc de si important à faire ?

 

Arthur

– Rien. Ça ne te regarde pas.

 

La mère

– Si tu n’as rien à faire à part regarder cette pauvre petite araignée, en effet c’est bien peu de choses à voir.

 

Arthur

– Ne joue pas sur les mots. Tu sais très bien que je n’aime pas quand tu joues avec les mots. Tout ça parce que les grands connaissent plus de mots que nous. Alors, ils en profitent et font les malins.

 

La mère

(à la cantonade en regardant hors de la chambre)

– Chéri ! Viens donc t’occuper un peu de ton fils ! Il refuse d’obéir et recommence avec son sale caractère ! (Elle sort.)

 

Le père (apparaissant)

– Allons bon, que se passe-t-il encore mon petit gars ?

 

Arthur

– C’est maman qui m’énerve avec ses mots et qui refuse de retirer l’araignée qui se trouve au plafond de ma chambre.

 

Le père

(le nez en l’air)

– Et bien, qu’est-ce qu’elle a de si particulier cette araignée ? Elle est toute petite et ne fait de mal à personne. (Avec un sourire ironique) Inutile de piquer la mouche pour une si petite bestiole.

 

Arthur

– Ah non ! Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi !

 

Le père

– Me mettre à quoi donc ?

 

Arthur

– À jouer avec les mots et tout le reste. C’est nul. Ça ne rime à rien et c’est énervant.

 

Le père

– En effet, ça fait toujours réagir les plus stupides.

 

Arthur

– C’est pour moi que tu dis ça ?

 

Le père

– Je sais très bien que tu n’es pas idiot, Arthur. Mais je ne comprends pas pourquoi tu prends toujours un malin plaisir à râler ou à t’enfermer dans le silence le plus total. Si c’est

un problème de mots et que tu souhaites t’exprimer aussi bien que ta maman et moi, je ne connais qu’un moyen : la lecture.

 

Arthur

– Nous y voilà. Tu veux m’obliger à faire quelque chose que je déteste : lire. Berk ! Ça pue ! C’est nul ! Ça ne sert à rien ! C’est pour les intellos !

 

Le père

– Alors, ne te plains pas si les autres ont souvent le dernier mot. Quand on a du vocabulaire, il nous reste toujours des mots de côté pour clouer le bec aux plus fâcheux. Et puis sans les connaissances, mon garçon, c’est dans le plafond de notre crâne que nous finissons par avoir une araignée qui trotte.

Arthur

– C’est quoi un fâcheux ?

 

Le père

– Quelqu’un qui s’agace et qui agace surtout les autres. Allez, range ta chambre et descend, le dîner est prêt. (Il sort)

 

Arthur

– Je n’ai pas faim. Je n’aime pas les araignées au plafond et je ne veux pas lire.

 

Arthur se remet dans l’attitude de grognon qu’il avait au début de la scène.

 

Tableau 2

Dans sa classe, Arthur est dans la même attitude : grognon et le nez au plafond.

 

La maîtresse

– Qui peut me citer trois capitales de l’Europe ?

 

Tous les doigts se lèvent sauf celui d’Arthur .

 

La maîtresse

– Arthur ? Pourrais-tu au moins m’en citer une ?

 

Arthur

– Ni au moins ni au plus !

 

La maîtresse

– Qu’est-ce que ça veut dire ça : ni au moins ni au plus ?

 

Une sonnerie annonce le temps de la récréation.

 

La maîtresse

(découragée avec un grand soupir)

– Tout le monde dehors. Nous reprendrons après la récréation.

 

Dans la cour de récréation, Arthur est toujours assis dans la même attitude. Autour de lui, les autres enfants s’agitent et jouent.

 

Une fille

– Arthur, pourquoi tu ne réponds jamais quand la maîtresse t’interroge ?

 

Un garçon

(moqueur)

– Laisse tomber ! Tu vois bien qu’il ne dira rien parce qu’il ne sait rien, vu qu’il n’apprend jamais ses leçons.

 

Arthur

(en se fâchant)

– Qu’est-ce que tu en sais, toi ? Tu dis n’importe quoi, toi !

 

Un garçon

– Il n’arrive même pas à se défendre parce qu’il ne sait jamais quoi répondre.

 

Arthur se jette sur le garçon. Les deux élèves se battent sous les acclamations des autres. La maîtresse apparait soudain, furieuse.

 

La maîtresse

(en séparant les garçons)

– Allez-vous cesser immédiatement de vous battre ? Que s’est-il passé encore ?

 

Un garçon

– C’est Arthur qui a commencé, madame. On ne peut rien lui dire. Il pique toujours sa crise.

 

La maîtresse

– C’est vrai Arthur ?

 

Arthur ne répond pas, croise les bras et boude.

 

La maîtresse

(exaspérée)

– Bon. Quand tu seras décidé à répondre, nous verrons bien. En attendant, va te mettre là- bas dans le coin pour le restant de la récréation et réfléchis à ton attitude.

 

Arthur va se placer dans un coin de la cour de récréation. Les autres enfants reprennent leurs jeux.

Une fille s’approche d’Arthur qui a l’air de s’apaiser lorsqu’elle s’assoit près de lui.

 

Chloé

– Salut.

 

Arthur

– Salut, Chloé.

 

Chloé

(après un temps de silence)

– Arthur, je peux te poser une question ?

 

Arthur

(très intimidé en souriant presque)

– Heu... Ben, c’est à dire que... oui... Si tu veux...

 

Chloé

– Pourquoi tu n’as pas dit la vérité ? Pourquoi tu as laissé ce garçon mentir et répondre à ta place ?

 

Arthur

– Ben... Heu... Parce que je m’en moque... Voilà.

 

Chloé

– Et c’est tout ? Il n’y a rien d’autre ? Tu te rends compte que la maîtresse va te punir à la place de ce garçon ?

Arthur, visiblement impressionné et intimidé par Chloé, ne répond pas.

 

Tableau 3

De retour chez lui, dans sa chambre, Arthur subit sans broncher les remontrances de sa maman.

 

La mère

– Arthur, je commence vraiment à perdre patience avec toi. Tu as encore une retenue à l’école. Motif : « ne répond pas quand on lui adresse la parole. Tendance fâcheuse à se bagarrer avec ses camarades. » Je peux savoir quand tout cela va cesser, mon garçon ?

Arthur ne dit rien. La maman, lassée, sort de sa chambre.

 

La mère

(en sortant)

– Quand tu te décideras à répondre, nous verrons bien. Tu seras puni pendant un mois. Pour l’instant, c’est l’heure de se coucher.

 

Sa maman absente, Arthur n’a pas changé d’attitude. Soudain, d’étranges murmures se font entendre dans la chambre. Une silhouette sombre apparait dans un coin.

Arthur

(inquiet)

– Qui est là ? Qui êtes-vous ?

 

La silhouette

– Pourquoi voudrais-tu que je te réponde ? Je ferai comme toi, mais on se retrouvera.

 

Arthur se cache sous ses draps. La silhouette disparaît.

 

Tableau 4

À l’école, Arthur, toujours dans la posture du grognon, subit les remontrances de la maîtresse sous les regards insistants de ses camarades.

 

La maîtresse

– Vraiment Arthur, je ne te comprends pas. Tu n’es pas bête pourtant. Pourquoi t’obstines- tu à ne jamais répondre ? (Découragé) Bon. Je n’insiste pas. C’est l’heure de la récréation. Allez ! Tout le monde dehors !

 

La maîtresse sort. Les élèves l’imitent en chahutant. Arthur reste seul. Une silhouette sombre apparaît derrière lui. Arthur sursaute en l’apercevant.

 

Arthur

(effrayé)

– Encore vous ? Montrez-vous ! Qu’est-ce que vous me voulez ?

 

La silhouette

– Pourquoi voudrais-tu que je te réponde ? Je ferai comme toi. On se retrouvera.

 

L’ombre disparaît. Chloé apparaît.

 

Chloé

– Arthur ? Que fais-tu là tout seul ? Tu ne viens pas jouer dehors ? Tu en fais une tête !

 

Arthur

(toujours effrayé)

– Tu as vu ?

 

Chloé

– Quoi ?

 

Arthur

– Là, à l’instant. Il y avait quelqu’un dans la classe. Une ombre.

 

Chloé

– Une ombre ? Non, je n’ai rien vu. (Un temps) Alors ?

 

Arthur

– Alors quoi ?

 

Chloé

– Tu viens jouer ou pas ?

 

Arthur

(toujours inquiet)

– Oui, oui, j’arrive...

 

Arthur et Chloé sortent.

 

 

Tableau 5

Arthur est seul à la sortie de l’école. Il s’impatiente et regarde souvent sa montre.

 

Arthur

(à lui-même)

– Et voilà ! Toujours la même chose. Jamais à l’heure. Et qui est-ce qui poireaute ?

 

Un inconnu s’approche de lui.

 

Mange-mots

– Bonjour Arthur.

 

Arthur

– Je ne parle pas aux inconnus.

 

Mange-mots

– Seulement aux inconnus ?

 

Arthur

(agacé avec insistance)

– Mes parents m’ont toujours dit de ne jamais adresser la parole aux étrangers sauf en cas de nécessité.

 

Mange-mots

– Il se pourrait bien que la nécessité devienne pressante. Et depuis quand écoutes-tu les conseils de tes parents ? Ce n’est pas habituel chez toi Arthur, n’est-ce pas ?

 

Arthur

(Il réalise avec effroi)

– Cette voix... La silhouette ! L’ombre ! C’était vous ?

 

Mange-mots

(en s’approchant un peu plus d’Arthur)

– Tu comprends vite. C’est déjà un progrès.

 

Arthur

(paniqué)

– Ne m’approchez pas. Pourquoi me suivez-vous ? Pourquoi vous venez dans ma chambre et dans ma classe ?

 

Mange-mots

(exultant)

– Tu n’as jamais posé autant de questions ! Quelle éloquence tout à coup !

 

Arthur

– Si vous ne répondez pas, je ne vous adresse plus la parole pour de bon.

 

Mange-mots

– D’accord, d’accord. Je me nomme monsieur Mange-mots et je t’observe depuis longtemps.

 

Arthur

– Vous m’espionnez. Ce n’est pas pareil.

 

Mange-mots

– Je t’espionne, si tu veux. J’aime aussi cette expression.

 

Arthur

– Et ceux qui espionnent sont des gens dangereux et infréquentables. C’est mon père qui dit ça...

 

Mange-mots

– Je vois que tu écoutes quand même les conseils de tes parents même si tu ne leur réponds pas.

 

Arthur

– Ça, c’est mon problème.

 

Mange-mots

– Je ne te le fais pas dire. C’est un vrai problème.

 

Arthur

– Arrêtez ça ! Ne jouez pas avec les mots ! Qu’est-ce que vous me voulez ?

 

Mange-mots

– Oh, si peu de choses. Je suis là pour t’aider. Je peux être très utile. Mais comme tu refuses toute discussion, je vais m’en retourner. (Il fait mine de sortir)

 

Arthur

– Attendez ! Comment pouvez-vous m’aider ?

 

Mange-mots

– Peu bavard, un soupçon versatile, mais tout de même curieux. Ce n’est déjà pas si mal.

 

Arthur

– Alors, j’attends !

 

Mange-mots

– Et impatient avec ça. Bien. Comme je sais que tu détestes les tâches scolaires et domestiques, les obligations de répondre à des questions qui t’ennuient, etc, etc, etc, je te propose de te décharger de ces corvées.

 

Arthur

– Mais ?

 

Mange-mots

- Mais tout service mérite compensation.

 

Arthur

– Nous y voilà. Si c’est de l’argent que vous voulez...

 

Mange-mots

– De l’argent ? Pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas représentant commercial. Non. Moi, je ne représente que les intérêts de ceux dont je prends la défense. Une sorte d’avocat si tu préfères. Je me contente de soulager les personnes et me charge de ce dont ils n’ont pas besoin : l’inutile, le superflu.

 

Arthur

– Et ?

 

Mange-mots

– Et par exemple, cher Arthur, comme tu détestes tant t’exprimer par la parole, répondre aux éternelles questions qu’on te pose, je te propose en échange de te soulager de ces mots que tu n’utilises plus. Qu’en penses-tu ?

 

Arthur

– Seulement des mots en échange de tout le reste ? (Après un temps) C’est d’accord. Que faut-il faire ?

 

Mange-mots

(en avançant sa main)

– Juste toper là.

 

Arthur

(en frappant dans la main de mange-mots)

– Alors, tope-là !

 

Mange-mots disparaît. Arthur étonné se retrouve seul.

 

Tableau 6

De retour chez lui, Arthur subit une nouvelle fois les remontrances de sa maman.

 

La mère

– Arthur, je t’avais demandé de ranger ta chambre, il me semble.

 

Arthur

(assuré)

– Oui maman. C’est fait.

 

La mère

– Tu te moques de moi ? Je viens d’y jeter un coup d’œil et il y a toujours autant de désordre !

 

Arthur

(en s’étranglant presque)

– Te jures, maman... est rangée...

 

La maman sort précipitamment. Mange-mots apparaît.

 

Mange-mots

– Alors Arthur, tout se passe comme tu veux ? Ne t’inquiète pas, ta chambre est rangée. Un contrat est un contrat. Une parole est une parole.

 

Arthur

– Que m’avez... fait ? ... N’arrive plus... Prononcer...

 

Mange-mots

– Ah, ça ? Pour l’instant, je t’ai privé des pronoms personnels et des sujets de la phrase traditionnelle. Ne dit-on pas que les actes sont plus importants que les paroles ?

 

La maman réapparaît, très satisfaite. Mange-mots disparaît.

 

La mère

– Bravo Arthur ! Je suis contente pour une fois ! Mais quand as-tu eu le temps de ranger ta chambre aussi convenablement ?

 

Arthur

(très gêné de répondre)

–... Fais ce matin... suis rapide... dois y aller...

 

Arthur sort, une main sur la bouche.

 

La mère

– Étrange tout de même... J’étais pourtant certaine que... (elle sort)

 

Tableau 7

De retour à l’école.

 

La maîtresse

– Veuillez me remettre les rédactions que vous deviez préparer à la maison s’il vous plait.

 

Pendant que les élèves font la queue devant la maîtresse, Arthur fouille dans son cartable et y trouve le devoir intégralement rédigé. Il s’avance à son tour, timidement en gardant le silence.

 

La maîtresse

(étonnée et ravie)

– Arthur ? Tu as fait ton devoir ?

 

Arthur

(en hochant de la tête)

– Mmm... Mmm...

 

La maîtresse

– Je suis très fière de toi si toutefois c’est bien toi qui l’as bien fait tout seul.

 

Arthur

(nerveux)

–... Fait... Moi... ... Ne pas mentir...

 

La maîtresse

– D’accord. Ne t’emporte pas. Je te fais confiance. Mais tu es sûr que tout va bien ?

 

Arthur

–... Mal aux dents...

 

La sonnerie annonce la récréation.

 

La maîtresse

– Bien les enfants ! C’est l’heure de la récréation...

 

Arthur

(soulagé en sortant le premier)

–... Sauvé... Gong...

 

 

Tableau 8

Arthur est seul dans un coin de la cour de récréation. Il ne boude plus, mais a l’air triste. Des garçons qui chahutent s’approchent de lui.

 

Garçon 1

– Hé, regardez ! C’est Arthur tête dure !

 

Garçon 2

– Tout le temps à faire la tête. Tu crois que si on le chatouille il va quand même se mettre à rire ?

 

Garçon 3

– Ça ne risque pas vu sa figure de triste sire !

 

Les garçons le bousculent. Arthur ne réagit pas. Chloé apparait.

 

Chloé

– Laissez-le tranquille ! Il ne vous a rien dit !

 

Garçon 3

– Il n’y a pas de danger, il est muet comme une carpe !

 

Garçon 1

– Silencieux comme une pauvre tarte !

 

Chloé

– Arrêtez, je vous dis !

 

Garçon 2

– Hé ! C’est une fille qui le défend à présent ? Vous avez vu ça les gars ?

 

Garçon 1

– Tu crois qu’elle craint les chatouilles ?

 

Garçon 3

– Toutes les filles craignent les chatouilles !

 

Garçon 2

– Si on essayait pour vérifier !

 

Les garçons encerclent Chloé. Arthur bondit pour la défendre.

 

Arthur

—... Touchez pas...

 

Les garçons bousculent rudement Arthur qui s’écroule à terre puis s’enfuient en riant. Chloé aide Arthur à se relever. La sonnerie de rappel en classe retentit.

 

Chloé

– Ça va ? Ils t’ont fait mal ?

 

Arthur

—... pas mal... ... Peur pour toi...

 

Chloé

– Faut rentrer en classe. Tu viens ?

Arthur

– Oui... Arrive...

 

Chloé disparaît. Mange-mots apparait. Arthur, cédant à la colère, se jette sur lui pour le frapper. Mange-mots le retient facilement par les mains.

 

Mange-mots

– Allons, allons ! Du calme, Arthur. Tu veux faire quoi, là ?

 

Arthur

(Enragé)

—... parler... ... vouloir...

 

Mange-mots

– Il est un peu tard pour changer d’avis. Souviens-toi, une parole est une parole. Cette fois-ci, je t’ai privé de tout complément dans la phrase. Plus de lieu, plus de circonstance, plus d’objet, plus de manière... Il ne te reste plus que le verbe dont je vais te priver aussi. À moins que...

 

Arthur

(Le regard plein d’espoir)

—... Mmmmm ?...

 

Mange-mots

– À moins que tu rendes visite aux grand-mères Grammaire. Tu les trouveras à la nuit tombée au pied du tableau noir. Elles pourront peut-être quelque chose pour toi, mais j’en doute. Elles sont trop âgées et trop usées, rejetées de tous, ces vieilles folles littéraires.

 

Mange-mots disparaît dans un rire diabolique. Chloé réapparait soudain.

 

Chloé

– J’ai tout entendu, Arthur. Ce type est le diable. Il t’a privé de la parole ? C’est cela ? C’est pour ça que tu ne dis plus rien ?

 

Arthur

(en désignant se bouche)

—... souffrir... Manger... se taire...

 

Chloé

(entre rêve et effroi, le regard au loin)

– Le mangeur de mots... (Reprenant vivement ses esprits) Viens Arthur ! Ce soir, à la sortie de l’école nous irons nous cacher dans un placard à balai. Et lorsque le bâtiment sera désert, nous irons trouver ces fameuses grand-mères Grammaire.

 

 

Tableau 9

Le soir dans la classe. Chloé et Arthur avancent prudemment.

 

Arthur

—... croire venir ?...

 

Chloé

– Nous verrons bien Arthur si ce mangeur de mots n’a qu’une parole. (À part) En tout cas, je l’espère de tout cœur pour toi. Soudain, une silhouette apparaît en se dandinant dans la classe, puis une deuxième et enfin une troisième.

 

Grand-mère 1

(elle stoppe net sa progression et renifle l’air ambiant)

– Saperlipopette ! Je sens de la graine de cancre dans les parages !

 

Grand-Mère 2

(même jeu)

– Tu dis vrai, chère sœur ! Ça ne fleure pas très bon l’érudition par ici.

 

Grand-mère 3

(même jeu)

– Je dirai même plus : ça sent l’idiot sans propos !

 

Chloé surgit soudain en faisant sursauter les grand-mères. Arthur reste timidement derrière sa camarade.

 

Chloé

– Bonsoir mesdames ! Êtes-vous bien les grand-mères Grammaire ?

 

Grand-mère 3

(en reniflant Chloé)

– Ah ! Cette petite n’a pas l’air si souillon que tu le disais.

 

Grand-mère 2

– Moi ? Je n’ai rien dit. C’est l’autre qui sent des choses.

 

Grand-mère 1

– Ce n’est pas de cette petite dont je parlais, mais de son camarade qui sent la bête analphabète. (À la cantonade) Inutile de te cacher, mon garçon. On pourrait aisément te retrouver rien qu’à l’odeur de vide cérébral que tu traines derrière toi.

 

Arthur

(vexé)

- MMMM !!!

 

Grand-mère 2

– Ben dites donc ! Il n’est pas loquace celui-ci !

 

Grand-mère 3

– Encore un qui s’est fait avoir par Mange- mots.

 

Arthur

(surpris à Chloé)

– Connaître ! Connaître !

 

Chloé

– Oui, Arthur. Elles ont l’air de bien connaître ce sale bonhomme. (Aux grand-mères) S’il vous plaît, mesdames. Il faut aider mon camarade. Il ne mérite pas ça.

 

Grand-mère 3

– Mon garçon, pour retrouver tes mots et l’usage de ta parole, le voyage sera difficile.

 

Grand-mère 1

– Ton ami n’a pas beaucoup montré de courage et de bonne volonté jusqu’à présent.

 

Grand-mère 2

– C’est peine perdue. Nous n’arriverons à rien avec lui. (À Arthur) Mon petit gars, quand on fait des choix, on les assume. Fallait réfléchir avant d’accepter les propositions de ce diable de Mange-mots.

 

Arthur baisse la tête en signe de déception et de découragement.

 

Chloé

(impatiente et décidée)

– Vous êtes injustes ! Ce n’est pas le moment de lui faire la morale. Rien qu’à son expression, on voit qu’il est malheureux. Pas besoin d’explication pour deviner ça. Si vous êtes à la hauteur de votre réputation, si vous êtes capables de l’aider, alors faites-le. Ou sinon nous repartirons avec de bien tristes choses à raconter sur vous. Vous ne serez plus que de l’histoire ancienne. Vous ne ferez plus partie que du passé.

 

Grand-mère 1

– Ah non ! Nous ne souffrirons pas un mauvais emploi de notre passé simple. Cela aura des conséquences sur notre futur immédiat. (À ses sœurs) Mettons-nous au travail, les filles. Conjuguons nos efforts pour que ce garçon retrouve une parole juste et éclairée.

 

Les grand-mères

(Ensemble)

Abracadabra ! Pour retrouver ton blabla, ouvre la porte de ton grand fatras ! Abracadabro ! Pour retrouver tes mots, pousse les grilles de ton cerveau !

 

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